Scusi, Lei è normale?
Pardon !... Vous êtes normal ? - France
Perdone, señorita, ¿es usted normal? - Espagne
Las locas vuelven a la jaula - Mexique
Afinal, elas são eles! - Portugal
Entschuldigen Sie, sind Sie normal? / Flotte Teens und der Staatsanwalt - Allemagne
Извините, Вы нормальны? - Russie
1979
Réalisé par Umberto Lenzi
Avec :
Renzo Montagnani
Ray Lovelock
Anna Maria Rizzoli
Enzo Cerusico
Aldo Maccione
Enzo Andronico
Dante Cleri
Jimmy Il Fenomeno
Umberto Lenzi est un prolifique réalisateur de films d'aventure, de cape et d'épée, d'espionnage et de péplums de série Z. Il s'attaque ici à la comédie érotique à l'italienne.
Le héros, Franco Astuti (Ray Lovelock), est gay et vit avec Nicola Proietti, dit « Nicole », un travesti jaloux (Enzo Cerusico). L'oncle de Franco, Gustavo Sparvieri (Renzo Montagnani), qui ignore tout de la vie privée de son neveu, est un juge sévère (mais tartufe !) – et homophobe – qui pourfend les mœurs relâchées de ses concitoyens, tâche à laquelle il consacre tout son temps avec un zèle appuyé, et qui consiste notamment à visionner d'innombrables films pornographiques... Lorsque son neveu fait la connaissance d'Anna (Anna Maria Rizzoli) lors d'un marathon de danse et que Nicole simule un suicide par jalousie, l'affaire va se compliquer. Ne retrouvant plus la trace de Nicole, Franco se rend en effet au commissariat pour faire part de son inquiétude au commissaire Pecorella (Aldo Maccione), homophobe convaincu. Sous surveillance policière, Franco trouve refuge chez son oncle. Une jeune femme étant retrouvée morte dans le fleuve, on pense dans un premier temps qu'il s'agit d'une partenaire de Franco au marathon, et le commissaire, flanqué d'un adjoint inepte, va s'empêtrer dans son enquête. Or notre juge souhaite présenter son neveu à la fille d'un élu, président d'une association pour la sauvegarde de la morale, qui n'est autre qu'Anna ! En effet, ladite Anna a une double vie : elle se fait passer pour une jeune fille vertueuse et bigote (elle s'appelle significativement Anna Maria Immacolata Grisaglia), alors que, par désœuvrement, elle pose, sous le nom de « Ninì Pom Pom », pour des magazines érotiques (réalisés par un Enzo Andronico qui évoque Mario Carotenuto dans Classe mista) que le juge cherche à faire interdire, en ignorant tout bien sûr de sa protagoniste principale qu'il souhaiterait voir derrière les barreaux ! Ce sont donc d'incessantes allées et venues entre Rome, où elle exerce sa coupable activité et le charmant village de Spoleto où elle retrouve Franco, qu'elle va d'abord bouder, après avoir découvert qu'il est gay, avant de se laisser séduire et tout faire pour le convertir aux charmes féminins. Tout irait à peu près bien pour Franco et elle si Nicole, toujours jalouse, ne simulait pas un nouveau suicide, déclenchant cette fois l'ire de la police. Pour échapper à l'arrestation, Franco et Anna (rejoints par Nicole, finalement pas suicidée !) vont devoir jongler pour éviter de trahir, qui son homosexualité, qui sa nature libertine auprès du juge Sparvieri, lequel va se mettre à en pincer pour Nicole, qui sauvera donc involontairement notre couple de la surveillance du censeur !
Voilà une comédie sympathique et originale, avec un Ray Lovelock charmant en jeune homosexuel (ou plutôt « ambisexué », comme il le prétend) naïf, une Anna Rizzoli très dénudée, un Renzo Montagnani en tartufe très remonté et un Aldo Maccione cocasse en policier imbécile.
Le titre du film est une question ironiquement adressée par Anna à Franco. Le sujet traité, l'homosexualité et le travestissement (abordé dans Dove vai se il vizietto non ce l'hai?, Il vizio di famiglia et Dio li fa e poi li accoppia), est audacieux et traité avec une légèreté non exempte de piquant : l'homophobie est dénoncée avec plus de mordant que la caricature par ailleurs très « cage aux folles » pourrait le laisser croire. De même, le puritanisme de l'époque. Toutes les institutions sont visées : la justice, la police, l'armée (apparaissent un général vicieux et un soldat débile) et l'Église (en la personne de deux ecclésiastiques efféminés).
Le paternalisme stéréotypé dont fait preuve le juge n'a d'égal que son opportunisme financier, lui qui cherche à placer son neveu auprès d'une jeune femme qu'il pense être bien sous tous rapports, prude et riche. Les jeunes personnages de Lenzi, en se jouant de ces penchants, ne font que ridiculiser leur pseudo-bienfaiteur, seul abruti à ne pas découvrir la réalité d'une jeunesse qui se moque d'apparaître respectable.
Le racisme est aussi épinglé, de manière allusive : en pleine rue, découvrant deux affiches de femmes nues, une blanche et une noire, le juge ordonne de recouvrir les seins de la femme blanche, tandis qu'il laisse ceux de la femme noire, parce qu'à son goût, une femme blanche dénudée est érotique, tandis qu'une femme noire équivaut à de l'exotisme ! À noter la présence d'un acteur noir, dans le rôle d'un animateur de dancing quelque peu efféminé.
De nombreuses scènes rappellent divers opus du genre tels que L'insegnante al mare con tutta la classe (avec Lino Banfi en travesti harcelé par un client), voire le classique Certains l'aiment chaud (pour l'aveuglement du juge amoureux de son travesti, qui clôt le film).
L'érotisme n'apparaît pas avec le degré d'insistance auquel on pourrait s'attendre : là où généralement il ne fait qu'exciter les jeunes mâles, il sert ici à faire diversion, comme par exemple lorsque Anna découvre ses jambes pour que l'attention du juge soit détournée du magazine érotique (où elle figure) qui traîne sur son bureau. Il peut aussi servir d'élément comique ponctuel, lorsque la robe de nonne d'Anna (elle se déguise en religieuse pour son magazine cochon, dans une histoire sur les vices de l'inquisition !) est déchirée en pleine rue, ou même de moment d'apaisement, lorsque les protagonistes n'ont pas à dissimuler la réalité. Au final, la nudité est plus présente que dans les autres comédies du genre, mais elle remplit une autre fonction. Lenzi conserve un semblant d'intrigue, qu'il truffe de situations cocasses typiques du théâtre et du cinéma de boulevard. Il a certes un exemple bien précis en tête, la pièce de théâtre adaptée au cinéma l'année précédente conjointement par l'Italie et la France : La cage aux folles. Nicole, le travesti petit ami de Franco, est à peu près l'équivalent du personnage de Michel Serrault, et lui aussi doit à un moment donné chercher à dissimuler son maniérisme outrancier au cours d'une soirée pleine d'imprévus. Le jeu d'Enzo Cerusico, interprète de Nicole, mérite d'être souligné.
Un mot sur le doublage : les intonations du doubleur de Renzo Montagnani révèlent ici que c'est le même acteur qui double Mario Carotenuto et Lino Banfi ! Une grande performance !
Tourné à Rome et Spoleto.
Musique de Franco Micalizzi.
Extraits :